Quand on a la grippe, on n'accuse pas sa mauvaise mine de nous avoir rendu malade… Il devrait en être de même pour
le déficit en vitamine D, selon une étude de chercheurs lyonnais publiée dans The Lancet Diabetes & Endocrinology.
On connaît depuis des dizaines d'années l'importance de cette vitamine pour l'absorption du calcium, donc son rôle
dans la croissance osseuse et sa composante musculaire. Mais certains la parent aussi de toutes les vertus: des maladies
cardio-vasculaires aux cancers, en passant par la sclérose en plaques ou la maladie d'Alzheimer… pas un mois ne passe sans
qu'une étude n'établisse un lien entre ces divers troubles non squelettiques et le déficit en vitamine D.
Une conséquence et non une cause
Pour y voir plus clair, des épidémiologistes de l'International Prevention Research Institute (Ipri) à Lyon se sont livrés à
une importante revue de littérature. Au menu: 290 études prospectives (on observe le taux de vitamine D chez des patients
souffrant de diverses pathologies) et 172 études d'intervention (on donne de la vitamine D et on voit ce que cela donne).
Si les premières ont montré un lien statistique entre un taux bas de vitamine D et l'incidence
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/01/20/21875-vitamine-d-nest-pas-hormone-miracle
de toutes les maladies citées plus haut, les secondes, en revanche, ont échoué à prouver que la supplémentation avait un effet protecteur.
Conclusion des épidémiologistes de l'Ipri: pour toutes les maladies non squelettiques, le taux bas ne serait qu'«un marqueur biologique de
détérioration de la santé». Provoqué par les processus inflammatoires en jeu dans ces pathologies, le déficit en vitamine D ne serait pas la cause,
mais simplement la conséquence d'un mauvais état de santé, il serait donc inutile de supplémenter l'ensemble de la population. Voire dangereux, car
la vitamine D est toxique à haute dose et peut entraîner une hypercalcémie.
30 minutes de soleil par jour
Et pourtant, des membres éminents de la communauté scientifique promeuvent la supplémentation, nous rappelle un éditorial de la revue qui a publié
l'étude dirigée par le Pr Philippe Autier. Pour eux, si les études d'intervention ne prouvent pas l'efficacité d'un apport en vitamine D, c'est parce
qu'elles seraient mal menées (supplémentation inadéquate, population mal choisie…).
Le problème est que l'on peine à définir une dose optimale de vitamine D. Le seuil minimal, sous lequel on est considéré en déficit, de 75 nmol/l (ou 30 ng/l,
milliardième de gramme par litre) a été établi par un collège d'experts américains. Mais pour le Pr Autier, c'est «une invention, qui ne repose sur aucune base
scientifique». «Aux États-Unis, enrage l'épidémiologiste, un groupe de gens influents financés par l'industrie des cabines UV ont inventé cette idée
que l'on serait en déficit à des taux inférieurs à 75 nmol/l. Mais à ce compte-là, presque 90 % de la population est déficitaire!»
Et d'ajouter, sarcastique, que des déficits en vitamine D ont même été retrouvés chez de jeunes surfeurs hawaïens… Or cette vitamine nous vient
essentiellement du soleil, l'exposition aux UVB permettant de synthétiser naturellement de la vitamine D3 à partir d'un dérivé du cholestérol. Nul besoin
pour autant de courir les cabines de bronzage: «C'est une vitamine liposoluble, explique le médecin nutritionniste Laurent Chevallier. S'exposer l'été suffit
donc souvent pour le reste de l'année.» On passe certes de moins en moins de temps à l'extérieur dans nos sociétés modernes, «or physiologiquement nous sommes
faits pour vivre dehors», explique le Dr Chevallier.
Mais il en faut peu pour couvrir nos besoins: s'exposer moins de trente minutes par jour à la lumière extérieure suffirait, sans risque aucun de synthétiser
«trop» de vitamine D. Exposition à moduler selon la couleur de peau et la latitude: «Il faut faire attention aux populations à peau pigmentée, précise Philippe
Autier, qui ont beaucoup de mal à faire la synthèse car leur peau arrête davantage les UVB, surtout chez les femmes lorsque, pour des raisons culturelles,
elles se couvrent de nombreux vêtements.» Autrement dit, à moins qu'il ait la peau ébène, soit vêtu de la tête aux pieds et vive au pôle Nord… un adulte en
bonne santé n'a nul besoin de supplémentation. Et pourtant, 50 % de la population adulte américaine prendrait de la vitamine D.
La supplémentation réservée à des cas précis
Loin des 75 nmol/l définis par les experts américains, Philippe Autier considère que «sous 30 nmol/l, cela pose sans doute problème et il faut regarder
de plus près». Pas question cependant de doser la vitamine D de l'ensemble de la population! La Haute autorité de santé (HAS) a donc rappelé en octobre dernier
les règles de bonne pratique: ce dosage n'est nécessaire que dans certains cas définis *. C'est pourtant l'un des examens sanguins les plus remboursés par
l'Assurance-maladie! Or, précise Véronique Coxam, chercheuse à l'Inra en micronutrition humaine, «le dosage en vitamine D n'est pas très fiable, et pour un même
dosage on aura une grosse variabilité d'un laboratoire à l'autre».
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